dimanche 15 janvier 2017

Les Phases d’abondance de Bill Mollison

Bill Mollison était autant un homme d’action qu’un homme d’idée. Le 24 septembre 2016, il nous a quittés à l’âge vénérable de 88 ans. Il laisse derrière lui un héritage d’une grande valeur pour le présent et l’avenir de la planète. Le jour de sa mort, j’étais moi-même en plein travail sur un site que j’ai aidé à designer avec la permaculture et c’est grâce à Bill que j’ai trouvé cette voie qui nourrit mon âme! C’est en hommage à sa grande contribution sur cette planète que je vais explorer un de ces articles qui m’a particulièrement inspiré.

En 1991, Bill Mollison a écrit un texte vraiment intéressant intitulé « Phases d’abondance ». Il y décrit les phases d'abondance pour les trois premières années de l’établissement d’une ferme en milieux tropical ou sous-tropicale à l’aide de la permaculture. Regardons ces phases et examinons par la suite comment cela se traduit dans notre climat froid.

La première année, c’est l'abondance des différentes espèces qui sont implantées sur le site dans de nombreux essais afin de voir ce qui pousse bien et ce qui n’est pas adapté à notre site. C’est aussi le moment d’expérimenter différentes approches de culture. La récolte est modeste, mais représente une belle contribution d’aliments de qualité à notre diète.

La deuxième année en est une d'abondance pour le matériel de propagation. Nous avons une bonne idée de ce qui pousse bien et nous propageons ces espèces en quantité suffisante pour atteindre nos objectifs de production future. À partir de ce moment, le nombre d’espèces diminue puisque nous retenons seulement celles qui ont bien performé sur notre site. Lorsque nous créons un système complexe, il finit toujours par se simplifier, aussi bien le faire volontairement. La récolte est aussi plus abondante, quoiqu’une partie de celle-ci servira à la propagation comme pour l’ail par exemple. C’est le moment de raffiner notre technique (plantation, irrigation, récolte, taille, etc.) afin de mieux servir les plantes qui ont bien survécu tout en étendant notre zone de plantation avec celles-ci.

À partir de la troisième année et pour les années suivantes, c’est l'abondance des rendements à mesure que les arbres fruitiers commencent à produire. La troisième année est celle de la plantation en grande quantité des espèces qui ont le mieux produit. C’est donc le moment idéal pour démarrer une pépinière afin de reproduire les plantes qui ont démontré un fort potentiel dans votre région. Une partie de ce qui se retrouve dans votre pépinière pourra aller à la vente. À cette étape, nous avons la possibilité de produire une bonne partie des aliments pour nourrir la famille et commencer la vente de certains produits afin d’avoir un revenu plus significatif.

Selon Bill Mollison, l’indépendance alimentaire arrive vers la 6e année en milieu tropical ou sous-tropicale. Tous nos besoins alimentaires sont satisfaits et il y a une grande quantité de surplus pour la vente. Vous vous doutez bien que tout va plus rapidement dans ce type de climat comparé à notre climat froid du Québec.

Bill résume tout cela ainsi à la fin de son article :
« Ainsi, les phases d’abondance dans les systèmes tropicaux et subtropicaux de 1 à 2 acres en saison humide pourraient être:

Année 1 : Établissement d'une abondante richesse d'espèces pour l'essai.
Année 2 : Une source abondante de matériel de propagation est produite.
Année 3 : Plusieurs espèces sont suffisamment nombreuses pour fournir une abondance de rendement.
Année 4 : Le rendement est excellent, le matériel de propagation est "illimité" et les espèces plus lentes commencent à produire. L'abondance absolue est atteinte.
Année 5 et suivantes : On obtient un rendement abondant à partir d’une trentaine de plantes vivaces et du même nombre de plantes annuelles. Cette abondance peut persister aussi longtemps qu’on le désire. »

Dans le climat froid du Québec, la phase d’expérimentation décrite pour la première année peut facilement s’étendre sur 2 ou 3 ans et souvent plus. C’est entre autres une question de durée de saison de culture et de variabilité du climat. Les vieux agriculteurs disent que la normale au Québec c’est qu’il n’y a pas de normale!

Les arbres fruitiers et à noix demanderont souvent plusieurs années avant de produire à maturité, et seulement à ce moment nous verrons la qualité et la quantité de production afin de sélectionner les meilleurs individus. C’est pourquoi je propose généralement aux gens de tester un petit nombre de plantes de plusieurs variétés qui vous semblent intéressantes. Nous pouvons tout de même voir leur adaptabilité et leur résilience dans l’environnement du site que nous avons choisi dès les premières années.
Le climat tempéré du Québec est particulièrement bien adapté aux cultures annuelles.

Cela ne limite toutefois pas les possibilités d’une bonne production maraichère et d’un revenu acceptable dans les premières années suivant l’implantation d’un nouveau site. Le climat tempéré est particulièrement bien adapté aux cultures annuelles et il est avisé de mettre à profit ce fait pour rendre notre ferme rentable rapidement tout en investissant dans les espèces vivaces qui produiront sur le long terme. La création d’un écosystème productif ne se fait pas du jour aux lendemains.

Une à deux années de culture nous donnent une bonne idée de l’intérêt que nous devons porter à certaines espèces, mais il suffit qu’une année soit sèche ou très humide pour éliminer ou mettre sous surveillance certaines plantes qui démontrent une faiblesse dans ces conditions. Si les individus sous surveillance démontrent une bonne résilience les années suivantes, ils seront possiblement sauvés. Autrement, ils laisseront leur place à d’autres espèces mieux adaptées.

Personnellement, j’ai très peu de pitié pour une espèce végétale ou animale, qui ne peut prospérer dans les hauts et les bas de notre climat québécois comme par exemple le pêcher. Cet arbre fruitier peut vivre 4 ou 5 ans de belle croissance et mourir jusqu'à la racine après un hiver très froid et repartir du sol l’année suivante. Ce n’est pas acceptable pour moi dans le contexte d’une production fiable et à long terme.

Cela n’empêche pas d’essayer des plantes aux limites de leur zone de rusticité, mais limitez-vous à quelques individus ayant démontré les qualités recherchées dans un climat analogue à votre site afin de limiter vos pertes. Une fois votre ferme bien partie, vous pourrez faire des expériences plus risquées sans mettre en jeu l’avenir de votre entreprise.

Ma philosophie pour la sélection de plantes est : emmenez-en des poiriers et des camérisiers qui ont été hybridés dans un climat analogue au nôtre comme en Russie et plantez-en des sureaux et des argousiers aux multiples vertus n’ayant aucune crainte des hivers froids! Il faut commencer par bien sélectionner les plantes ayant un intérêt pour l’entreprise et qui serviront bien l’écosystème que l’on crée sur notre site.

Plusieurs petits fruits sont particulièrement intéressants dans notre climat et peuvent être productifs dès la 3e ou 4e année au Québec s’ils sont bouturés et bien avant s’ils sont déjà matures à l’achat. J’apprécie beaucoup la framboise, le cassis et le sureau. L’abondance dans notre climat arriverait plutôt entre la 7e et la 9e année, quand les arbres fruitiers sont en pleine production et que l’écosystème que vous avez créé atteint un certain équilibre dynamique.

Il faut de la patience, car nous suivons le rythme de la nature tout en accélérant les processus qui peuvent l’être en respectant les principes qui guident notre travail. On ne peut obliger une plante à fleurir, mais on peut lui fournir les conditions nécessaires pour que sa floraison se fasse au moment opportun. Il en va de même pour nos projets et nos entreprises.

Cliquez ici pour lire le texte original de Bill Mollison reproduit sur le site la Permaculture Research Institute.

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