samedi 29 janvier 2011

Villes et systèmes naturels

Un peu partout dans le monde, la campagne perd sa population au profit des villes et des banlieues. Au Canada, il reste moins de 20% de la population qui habite la campagne et un peu plus de 2% du peuple canadien est actif en agriculture pour nourrir tout ce beau monde.[1] 

Si nous considérons le point de vue de la nature, il n’y n’a rien de plus insoutenable qu’un système qui doit importer la majorité de ses intrants (alimentation, eau potable, matériaux de construction, etc.) et exporter l’ensemble de ses extrants (résidus organiques, eau souiller grise et noir, déchets divers de notre consommation, etc.), afin de rester fonctionnel.

Qu’est-ce qui rend la vie possible en villes

En ville, nos cultures principales sont le béton et le gazon, c'est-à-dire le cancer gris et le cancer vert. Quelle catastrophe, si par un triste hasard, la ville était coupée de ses chaînes d’approvisionnements au niveau alimentaire ou énergétique!

Nous n’avons qu’à penser au chaos provoqué par la crise du verglas[2] de 1998. À cette occasion, nous avons pu constater à quel point nous sommes dépendants des infrastructures modernes qui permettent aux villes d’être viables.

Tous les processus qui rendent la vie possible en ville sont artificiels, demandent beaucoup d’énergie pour fonctionner et produisent énormément de perte énergétique et matérielle. Considérons simplement le paradoxe de l’eau potable. Toute l’énergie dépensée pour purifier notre eau sale afin d’ensuite l’utiliser pour éliminer nos résidus humains en tirant la chasse d’eau.

La récupération de l’eau de pluie serait déjà un pas dans la bonne direction puisque nous éviterions d’envoyer cette eau d’assez bonne qualité aux usines d’épuration.  Nous pourrions entre autres l’utiliser pour arroser nos jardins et remplir nos toilettes. Bien sûr, une toilette à compost[3] est encore mieux si vous avez l’espace pour le faire.

Perte et inefficacité

Je ne surprendrais sûrement personne en parlant des pertes énormes reliées au transport des aliments qui proviennent de tous les coins de la planète. Ce processus peu efficace est seulement possible grâce au bas prix de l’essence, énergie fossile accumulée sur des millions d’années, qui est une ressource finie... La théorie du pic pétrolier[4] et de la descente énergétique à un grand nombre d’adeptes dont je fais partie.

Voici ce que la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux de la Colombie-Britannique (BCSPCA) nous dit sur le transport du bétail : « Au Canada, 2 à 3 millions d’animaux, parfois transportés dans des conditions extrêmes vers les abattoirs, meurent dans les camions annuellement. De plus, environ 10 millions d’animaux deviennent impropres à la consommation, après avoir contracté une maladie, durant la période de transport. Ceux-ci doivent être abattus une fois à destination. » [5] Quelle horreur!

N’est-ce pas inquiétant d’entendre parler de contamination des aliments à la listériose ou de mélamine dans le lait? Pourtant, c’est un résultat direct de l’industrialisation de l’alimentation. Afin de fournir des produits au plus bas prix et pour maximiser les profits de leurs actionnaires, les compagnies coupent les coins ronds en salubrité et en qualité.

L’importation massive nécessaire pour faire fonctionner nos villes a pour résultat une exportation tout aussi massive de la richesse locale. Autour de seulement 7% de chaque dollar dépensé pour notre alimentation, retourne à la communauté. Tout le reste sert à l’emballage, la distribution, la commercialisation, le transport, etc. [6] Le petit producteur, de son côté, arrive généralement à survivre grâce aux subventions gouvernementales et à l’assurance agricole, s’il y a droit.

La nature n’aime pas les pertes… Tout ce qui entre dans un système naturel y est recyclé le plus localement possible. Lorsqu’un ours consomme des petits fruits, il fait ses besoins un peu plus loin dans le boisé ou sur la berge de la rivière. Il dépose ainsi les graines de ceux-ci dans un engrais de haute qualité permettant sans effort de propager la source de son repas.

La résilience de nos milieux de vie

Il me semble évident que nos villes n’ont pas la résilience nécessaire pour faire face au futur, autant au niveau alimentaire qu’au niveau énergétique. Comment donc envisager le futur devant cette réalisation? Ma réponse est bien sûr de s’inspirer de la nature, donc de penser et d’agir localement pour soutenir la communauté. Plus la richesse reste dans la communauté, plus la communauté est vivante et forte.

Les villes et communautés en transition[7] visent ce but en s’inspirant librement des principes de la permaculture. Voici les objectifs des villes qui s’engagent dans ce mouvement mondial :
réduire ses émissions de CO2 et sa consommation d'énergie d'origine fossile selon le Plan d'action de descente énergétique créé par la collectivité et fondé sur une vision positive de son avenir;
retrouver un bon degré de résilience par la relocalisation de ce qui peut l'être et par l'intensification des liens entre habitants et acteurs économiques locaux ;
acquérir les qualifications qui deviendront nécessaires.
Nos banlieues

Nous critiquons souvent les banlieues pour leurs gazons qui consomment trop d’eau et d’engrais chimique, mais aussi pour les déserts alimentaires qu’elles représentent pour ses habitants. Leur mauvais design et l’éloignement des commerces obligent souvent les banlieusards à prendre leurs voitures pour tous leurs déplacements.

Cependant, lorsque l’on considère un ajustement radical au niveau du design, tel l’élimination de tout ce gazon pour y planter de bons légumes et y élever des poules, les banlieues prennent alors une nouvelle orientation beaucoup plus positive pour la communauté qui y habite, mais aussi pour les villes qu’elles ceinturent la plupart du temps. 

Les piscines deviendraient d’excellents bassins pour cultiver des plantes aquatiques comestibles et élever des poissons. Et pourquoi ne pas abattre quelques clôtures et partager nos espaces communs tout en élargissant notre vision.

David Holmgren en fait état en de plus amples détails dans son excellent article « Retrofitting the suburbs for sustainability »[8] et dans une vidéo du même titre disponible sur YouTube.[9]

Qui sait, peut-être que vos tomates et vos oeufs proviendront éventuellement d’une banlieue près de chez vous…

[1] http://www.statistiques-mondiales.com/canada.htm
[2] http://fr.wikipedia.org/wiki/Verglas_massif_de_janvier_1998
[3] http://www.toiletteacompost.org/
[4] http://fr.wikipedia.org/wiki/Pic_pétrolier
[5] http://www.francvert.org/pages/53dossierreductiondufoodmiles.asp
[6] http://www.sustainabletable.org/intro/comparison/
[7] http://villesentransition.net/  et   http://fr.wikipedia.org/wiki/Ville_en_transition
[8] http://www.energybulletin.net/node/5104
[9] http://www.youtube.com/watch?v=2cjhQWdbqE4

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